mercredi 19 janvier 2011

Journal de Turquie - Jour 2 - 2 janvier

Aujourd’hui la Turquie ressemblait à l’Ecosse, pluvieuse, noyée sous la brume. Nous avons marché au milieu des vestiges de Hierapolis, près de Pamukkale, photographiant sarcophages et tumulus. Comment ne pas être mélancolique me disais-je tandis que les souvenirs et les mythes affluaient sans que je les invoque, fantômes écossais, vieilles images d’un film sur le chien des Baskerville ? Puis je songeais à la définition de la mélancolie par le psychiatre de l’hôpital où j’ai dû faire interner ma petite sœur juste après Noël : seuil le plus bas des états dépressifs. Quel joli nom, m’étais-je dit, pour une chose si grave.

Depuis que nous avons quitté Paris je me méfie de ma propension à transformer les voyages en ménage de printemps mental. Je sens que je n’aurais pas la force de supporter une réflexion profonde. J’essaie de ne penser à rien. Je regarde, je goûte. Je ne commente pas car ce serait déjà faire acte de réflexion. B. et moi ne parlons pas beaucoup, il ne me demande rien, c’est moi qui de temps en temps l’interroge sur ses raisons de se taire. Je ne trouve pas ça normal ce silence entre nous. Si je me tais il devrait parler pour moi. Il me regarde interloqué et quand il tente de m’expliquer qu’il n’en pense pas moins, je l’interromps. Soutenir une discussion, cela m’est impossible.

Parfois, je suis d’une telle vacuité que je m’endors dès que je suis en position assise ou couchée. Je lis des romans policiers. Dans le dernier, le tueur psychopathe est un maniaco-dépressif qui a hérité sa maladie de son grand-père et l’a transmise à ses fils. Les effets sur le reste de la famille sont dévastateurs de toute façon. Mauvais choix de lecture mais c’est le numéro 3 des 5 livres que j’ai emmenés et je sais que bientôt je les aurais tous finis. Je ne peux me permettre d’en laisser un de côté. Et si je n’arrive pas à m’endormir les questions affluent : qu’allons-nous devenir ? Qu’allons-nous tous devenir ?

Illustration : Aron Wiesenfeld