vendredi 30 janvier 2009

Fils

Omar


"Alors elle m'a nouée un drap autour du ventre en serrant très fort. Et puis, elle s'est couchée sur moi et elle m'a planté son coude dans les côtes. J'ai hurlé. ensuite, je ne sais pas ce qui s'est passé, je ne voyais rien à cause du drap et mon mari n'était pas là - il n'a pas le droit de regarder ça - mais elle a dû toucher la vessie en coupant parce qu'après ça coulait sans arrêt. J'étais obligée de mettre les couches de mon fils à la maternité. Et pour tout vous dire, les rapports, après je ne pouvais plus, parce que ça coulait au moindre contact. Ça coulait, ça coulait...

Quand j'ai revu mon gynéco, un mois après l'accouchement, il m'a dit que je devais me faire opérer, que ça ne prendrait qu'une semaine. Mais je ne pouvais pas. Qui aurait gardé mon fils pendant ce temps ? Et puis je l'allaitais, il n'avait qu'un mois... Maintenant, il a quatre ans - déjà - il faudrait que j'aille à l'hôpital. Mais moi qui aurais voulu un troisième enfant, c'est fichu..."

Siegfried

Elle a voulu garder l'enfant alors qu'elle était seule, psychotique et âgée de quarante trois ans passés. De sa voix rauque de fumeuse, elle s'est vantée de tout ce qu'elle pourrait gérer quand il serait là, de tout ce qu'elle allait maîtriser, surmonter, oublier. Elle s'imaginait accoucher d'un fils adulte qui prendrait soin d'elle comme aucun homme n'avait su le faire, qui l'écouterait et la trouverait formidable. Elle était sûre qu'en sa compagnie les voix qui résonnaient parfois dans sa tête, prétendant lui dicter son comportement, demeureraient silencieuses ou seraient couvertes par les babillages heureux de son fils.

Bien avant la naissance, balayant sous le berceau, elle regardait, au milieu des moutons de poussière, le souvenir de sa mère dépressive et de son père mourant se déliter ; elle éternuait. Puis, elle prenait soin de recueillir grâce à sa balayette et sa pelle, les fragments de son passé jusqu'au dernier. Après les avoir bercés sur ses genoux et leur avoir crié ce qu'elle avait sur le cœur, elle les balançait sauvagement dans les W.C. et tirait la chasse. Bientôt, elle n'en doutait pas, tout cela serait derrière elle parce qu'elle allait mettre au monde sa propre vie.

Une chose l'avait toujours fascinée chez les bébés de ses amies c'est le regard aveuglé qu'ils portaient sur leur mère. Pour le reste, elle se contentait de les croire lorsqu'elles disaient que personne au monde ne leur avait donné autant d'amour.
Quand a-t-elle réalisé qu'elle se leurrait ? Au moment où elle a annoncé sa grossesse et n'a vu que des visages consternés, entendu que des mises en garde, des doutes et des peurs ? Personne ne voulait admettre sa transformation, personne ne croyait aux promesses d'avenir qu'elle scandait comme des prières. Alors qu'elle rêvait d'apercevoir dans les pupilles de son public familial l'être nouveau qu'elle abritait, c'est son image, de guingois, qu'on lui renvoyait toujours.

Ils avaient raison et c'est cela qu'elle supporte le moins. Samedi elle
a craqué. Le gosse la dévisageait, il attendait qu'elle s'occupe de lui. Il lui tendait les bras en geignant. Ses excréments commençaient à maculer les jambes de son pyjama car elle ne l'avait pas changé depuis le vendredi soir. Pourtant, il savait que le porter lui faisait mal au dos : elle le lui avais encore dit cinq minutes auparavant ! Il savait, aussi, qu'elle était fatiguée ; il devrait quand même avoir compris le message puisque depuis qu'il est né, elle le répète.

Les voix lui ont annoncé que Siegfried comprendrait mieux si elle ponctuait ses paroles. Elle a cédé, elle n'en pouvait plus de leur résister.

Alors elle a lancé les couches propres au dessus du parc et quand il n'y en a plus eu, elle a vidé la poubelle pour lancer aussi les vieilles couches sales et les ordures. L'enfant était devenu silencieux, il paraissait tapi au milieu de ses jouets mais les voix prétendaient que le message n'était pas passé
, les couches faisaient plop sur le mur c'était presque amusant et les voix murmuraient "bientôt lui aussi va se moquer de toi !". Elle a donc essayé avec les assiettes. Ça lui évoquait des boomerangs sauf que les siens, de boomerangs, s'écrasaient contre les murs. Elle a essayé tous les murs et seuls quelques verres ont rebondi après avoir heurté la porte d'entrée. L'un d'eux est tombé dans le parc mais l'enfant n'a rien dit. Il avait fermé les yeux et il ne bougeait pas, comme s'il dormait. Sarah songea aux heures qu'elle avait passées à le bercer, à le calmer et elle s'est sentie profondément en colère qu'il puisse s'endormir comme ça.

Quand les flics ont frappé à sa porte, ils ont vérifié que l'enfant allait bien et ils sont repartis. Ce n'est que le lendemain, après l'avoir arrêtée au milieu de la nuit, seule et désorientée en pleine rue qu'ils ont trouvé les couteaux et les bidons de javel lacérés. L'enfant sale, laissé livré à lui même dans son parc a été accompagné à l'hôpital puis placé en pouponnière.


Jimmy


Découvrez Moriarty!


(A suivre)

Illustration : Mark Ryden

mercredi 28 janvier 2009

Mercredi à la campagne

Quand j'ai pensé aux chroniques Blogs et... j'avais dans l'idée de faire parfois travailler plusieurs blogueurs sur un même sujet. Par exemple, j'avais demandé en même temps à Marc et à Patrick Fort de rédiger un Bloguer à la campagne. Patrick m'a rendu son texte il y a quelques semaines : le voici !

lundi 26 janvier 2009

La piqûre

Dans la salle d'attente il n'y avait plus que quatre chats accompagnés de leur maitresse quand elle est entrée, serrant contre elle un sac souple.

Elle s'est présentée à l'accueil annonçant d'une voix curieusement forte que Ruby, son chat, avait rendez-vous à 9h45, pour une piqûre puis elle s'est assise, le sac sur les genoux. A l'intérieur, l'animal a miaulé une fois mais elle ne l'a pas regardé, ne lui a pas parlé. Je l'ai fixée quelques instants, frappée par son expression fermée, son regard aux abois en me demandant si son chat avait des problèmes de reins ou si on lui faisait des piqûres de vitamines, un vaccin ; enfin, gênée mais incapable de savoir pourquoi, j'ai détourné les yeux.

Raskasse, sur mes genoux, faisait impression avec son énorme bandage en forme de maillot et son cathéter accroché à une patte :
"Le pauvre, s'est excalmée la propriétaire d'un Chartreux imposant, qu'est-ce qu'il a ?
- On lui a enlevé une tumeur abdominale, samedi, ai-je articulé, avant de déglutir péniblement.
- Il a quel âge ? a demandé une dame âgée en face de moi.
- Il aura 14 ans en avril...
Le silence a pesé quelques instants dans la pièce. Il me semblait contenir plus de menaces pour l'avenir de mon chat que les pronostics pessimistes effectués par l'infirmière après l'opération. Les mains s'affairaient dans les fourrures ternes, les bouches murmuraient aux bêtes des paroles rassurantes.
La dame âgée a repris la parole :
- Le mien aussi a 14 ans, a-t-elle avoué, sans sourire.
- Oh ! Il a l'air en forme, qu'est-ce qui lui arrive ?
- Hier il n'arrivait plus à marcher. Il titubait et ne soulevait plus son bassin..."

Un ronflement étrange a alors interrompu notre discussion. Nous avons tourné la tête avec appréhension. Une main glissée à l'intérieur du sac de Ruby, l'autre appliquant son écharpe bleue sur sa bouche, sa maitresse sanglotait. Ses lunettes s'étaient embuées, son visage paraissait dévasté et quand elle reprenait son souffle son nez produisait ce bruit grotesque. Tremblante, j'ai serré doucement Raskasse contre moi...

Illustration : Marion Peck

jeudi 22 janvier 2009

La famille vomi - Epilogue -

Ce week-end nous avons fait du tri. Parmi les montagnes de livres, carnets, brouillons et impressions accumulés depuis des années, j'ai découvert une série de poèmes de mon époux, que j'avais oubliée. Elle s'intitule Les Triolets, Onze poèmes et date de 1996. Voici le dixième poème, en guise d'épilogue à La famille vomi :

X

O les vomis que j'ai pu faire
J'ai bien senti que l'on n'est rien
Mais fier et digne je vais bien
O les vomis que j'ai pu faire
J'ai dû rendre toute la terre
O mes amis ! O les humains !
O les vomis que j'ai pu faire !
J'ai bien senti que l'on n'est rien

mercredi 21 janvier 2009

Un fantôme au plafond

Aujourd'hui, une voix nous viendra de l'au-delà, à 11 heures, pour nous narrer une histoire de blogs. Faites attention, le fantôme est attachant et son histoire tragique...

Ce sera *





* (le lien sera précisé après parution...)

dimanche 18 janvier 2009

7 paroles de blogueurs (9)

[Tous les dimanches (à peu près) je cite 7 paroles de blogueurs qui m'ont plu, touchée, emballée, inquiétée, interrogée...]
Il fait nuit depuis longtemps lorsque nous sommes reçus par la jeune urgentiste. Ambiance calme, un concerto de Vivaldi en sourdine, elle inscrit sur son dossier nom, âge, adresse, puis s'enfonce dans son fauteuil et demande ce qui nous amène. G. attend que je parle. Comme depuis qu'il est né c'est par mes paroles que sont dites les souffrances, les angoisses, les peurs.
Il se tourne très légèrement vers moi, il attend, alors je parle.

« Je… Je n’ai jamais vu ça », murmura le médecin. Devant l’air exaspéré de son interlocuteur, il s’empressa de saisir un stylo pour noter sa perplexité en majuscules sur une feuille de papier. Son visage reflétait un mélange de stupéfaction, de fascination et de dégoût. Cependant, il continuait à ausculter son patient, cherchant un indice dans sa gorge et dans sa tension. Après avoir examiné une dernière fois ses oreilles monstrueuses, il recula, comme s’il craignait d’être contaminé à son tour par cette aberration physique.

J’ai commencé par un mensonge. Il m’a dit:

Oh, moi ce que j’aime, personne n’aime.

Je l’ai regardé, avec ses beaux yeux ses cheveux longs balayés par le vent, sa stature d’homme bien fait, et j’ai pensé que non, ce devait être impossible.

Ah bon, c’est quoi?

Le Jazz.

C’est sûr, cette musique que j’entendais parfois sur les ondes le matin en allant à l’école, cette musique discordante, impossible à chantonner, bien trop irrégulière, non, je n’aimais pas, mais pas du tout.

Oh, mais j’adore le Jazz!

Je me lève
ce matin. J‘ouvre les rideaux, prends mes cachets, donne à manger aux poissons (j‘ai oublié hier soir), et je déjeune, comme tous les matins. Je pense à ce que j’ai à faire. Il faut que je mette un pull en machine, que je fasse un chèque et que j’aille le poster. Il faut aussi que j’aille à la pharmacie. Il me reste seulement deux cachets d’antidépresseur. Il faut aussi que je nettoie l’aquarium, comme tous les mercredis. Je suis angoissé. Je me dis que c’est trop.

Vous l’avez peut-être remarqué, je ris avec beaucoup de conviction. C’est pour dissimuler que je pleure avec le même enthousiasme, c’est pour apprendre à vivre avec le tragique qui ne cesse d’être là. J’ai quand même fini par comprendre que cette sensibilité qui a causé bien souvent mon malheur dans sa collusion avec le ridicule, cette sensibilité était aussi ma plus grande richesse.

Tout avait commencé par un commentaire laissé sur son blog. Le commentaire était gentil et intéressant, elle avait cliqué sur le lien laissé. Une page s'était ouverte. Elle était claire, esthétiquement parfaite et les billets postés y étaient plutôt bien écrits, très bien écrits même, ce qui n'est pas si courant sur la blogosphère. Ce blog tenu par un homme contait sur un ton assez mélancolique ce qu'elle ressentait comme la fin d'une histoire d'amour. Elle laissa un commentaire à son tour.

Jeunes filles
qui me lisez, écoutez bien ce conseil : gardez-vous de vous moquer des jeunes garçons ! Gardez-vous de les juger communs, vulgaires, sales, inférieurs ou minables, et surtout de le leur faire savoir ! Oh oui, car c'est très pernicieux, ces choses-là. Si vous faites honte à un garçon, vous brisez son estime de soi. C'est très douloureux. Et en même temps, vous vous posez comme la norme supérieure de cette estime. De ce fait, il pensera sans cesse à vous. Il s'attachera à vous, voire même, avec un peu de malchance, pour toute la vie. Il n'aura de cesse d'avoir reconquis son estime, c'est-à-dire la vôtre. Non, vraiment, mesdemoiselles, si vous vous moquez d'un garçon, sachez-le, il va falloir assumer. C'est-à-dire, ensuite, au choix, l'épouser ou le tuer.

Illustration : Ray Caesar

vendredi 16 janvier 2009

La famille vomi (3)

La mère


Agenouillée sur le petit tapis blanc, je regarde la longue gerbe de mes glaires plonger dans les toilettes en un mouvement régulier. Lorsque le flot s'interrompt, la céramique apparaît ponctuée de bribes d'aliments qui dégoulinent, c'est comme un bouquet dont les pétales n'en finiraient pas de tomber. En larmes, je m'abandonne à la beauté de cette vision, à la quiétude soudaine qui s'est faite dans mes intestins, je renifle, je me mouche dans le papier parfumé et je me souviens...

C'est un véritable kaléidoscope ; en chaque morceau rendu méconnaissable par la digestion se niche un autre vomi ; et chaque vomi dissimule un pan entier de ma vie. Ma mère m'a emmenée avec elle au ski, quelquefois, entre sept et dix ans. Les petits déjeuners du Club Med étaient somptueux et ma mère dansait tous les soirs. J'étais fière qu'elle m'ait choisie pour l'accompagner mais ma sœur me manquait, je n'avais guère de preuve qu'elle existât hors de ma vue et cela m'effrayait. Un matin, alors que nous pénétrions dans la salle à manger, un spasme a retourné mon ventre : tout ce qu'il y avait à l'intérieur s'est retrouvé en capilotade sur mes bottes fourrées. Avant de réaliser que j'étais malade, j'ai senti le fer rouge de la honte marquer mon front. Les jours qui ont suivi avaient le goût amer de la culpabilité.

Une autre fois, c'était l'été à Port Leucate. Je portais un maillot de bain bustier jaune fluo que m'avait donné ma tante. A table, ma mère m'avait photographiée parce qu'elle le trouvait seyant ; sur le cliché, mes bras sont croisés devant ma poitrine, je lorgne mon décolleté, sans sourire, inquiète de ce que l'on pourrait y trouver. Puis, jusqu'au dessert j'avais bougé avec des gestes de danseuse pétrifiée. Mes bras s'arquaient, mes épaules se haussaient, je marchais sur la pointe des pieds, toute entière occupée à guetter le moindre glissement du maillot. Avant de partir à la plage, devant la glace, je m'interrogeais sur le bien fondé de porter une telle couleur, la taille de mes hanches, le risque de me retrouver à moitié nue dans l'eau, lorsque une nausée terrible me surprit. Je vomis sur mes pieds chaussés de sandales et sur le tissu pimpant un yaourt à la fraise que je venais d'avaler. Pendant des années, ensuite, je n'ai plus supporté le goût de la fraise... En revanche, ce sont des huîtres, leurs chairs glacées et molles aspirées sur la plage, qui m'ont guérie de mes écœurements.

En voiture, mon père mettait des cassettes de Dire Straits puis faisait ronfler le moteur de son Escort rouge. Sur la route, l'engin glissait entre les poids-lourds, les autres voitures et quelques motos dont je trouvais les conducteurs si vulnérables. Nous dépassions tout le monde, jusqu'à n'avoir, devant nous, que l'horizon, coupant comme la corde d'un violon. La voix monocorde du chanteur, le contrechant acide de la guitare, la carrure rythmique régulière me berçaient et mon regard, reflété dans la vitre, voguait sur la campagne hirsute, se heurtait aux branches grises des arbres morts tandis que mille pensées m'agaçaient. Mon père chantait. Il sifflait aussi, mais mal, ses lèvres laissaient filer trop d'air et le son restait fade, irritant. J'avais mal au cœur mais je n'osais pas le dire à mon père si tranquille derrière son volant. Les conseils que l'on m'avait serinés me revenaient mais je n'arrivais à me concentrer sur aucun d'eux, regarde la route devant, dors, ne regarde pas l'intérieur de la voiture et lorsque les premiers jets de bile remontaient dans ma gorge je les ravalais. Jusqu'à ce que je n'en puisse plus...

Je me souviens de quantité de vomis que je n'ai pas nettoyés, des nausées des cours de math et de celles, intenables, des plus violents chagrins d'amour. J'ai vomi malade mais aussi, pleine de santé, juste parce qu'il me semblait qu'il y avait, en moi, trop de vie pour la vie. C'est comme ça. J'ai toujours été sensible de la luette, affolée de la glotte, soulevée du palais. On pourrait bâtir des immeubles avec la somme des aliments que j'ai expulsés par la bouche, s'ils pouvaient se solidifier avec le temps. Mais le pire c'est de ne pas savoir si c'est le vomi qui est cause de ma propension à ruminer le passé ou le passé qui me révulse, parfois. J'ai souvent entendu que les asthmatiques avaient une personnalité morbide. Manquer d'air leur permet d'approcher si près l'idée de la mort qu'elle finit par miner leur volonté de vivre. Songez que je suis à la fois asthmatique et encline à vomir... Vous comprendrez dans quel pétrin je me trouve...


Découvrez Tom Waits!


Illustration
: Ray Caesar

mercredi 14 janvier 2009

La faim

En face de moi une fille annote son livre intitulé "10 leçons politiques et économiques". Un homme, la barbe coincée dans une écharpe verte, regarde le wagon, comme moi qui suis en face de lui. Les larges jambes de l'étudiante encadrent les miennes et mon sac en plastique renfermant un mini-plateau de sushis, heurte, de temps en temps, un de ses mollets. J'ai faim. Je meurs de faim et je sens, sous mon poing, mon estomac parcouru de crampes.

Dans ma tête passe en boucle l'image de mes mains entrain d'ôter le couvercle de plastique. Je sens sur ma langue le contact du riz en paquet, du poisson gras et des lamelles de gingembre. Mais je n'ai guère le courage d'affronter l'idée de l'odeur qui emplira le wagon, directement exhalée de ma bouche. En fouillant dans mon sac pour trouver un chewing-gum j'imagine les regards vaguement courroucés du barbu et de la fille. Je dirais "Excusez-moi, j'avais trop faim" et un postillon gélatineux ira s'accrocher dans le lainage de l'écharpe verte.

Illustration : Ray Caesar

mardi 13 janvier 2009

Une journée à l'Express

Puisque je ne sais pas si ce soir j'aurai encore le courage de donner mes impressions sur ma journée à l'Express - impressions, qui il me faut l'avouer, me paraissent de moins en moins claires - vous pouvez aller lire le compte-rendu de Stéphanie, une blogueuse littéraire très sympathique avec qui j'ai partagé un coin de l'open space : c'est !

dimanche 11 janvier 2009

La famille vomi (2)

Le père


Quand je l'ai connu, il portait un parka vert en été, des chemises à fleurs avec des pulls bariolés. Grand, maigre, il marchait si vite que je devais trotter à côté de lui pour me maintenir à sa hauteur. Devant nous, ses bras ballaient, semblant balayer l'espace à la manière d'une canne blanche pour s'assurer que rien n'entraverait notre course.

B. n'appréciait pas de parler dans les lieux publics. L'idée que ses paroles tombent dans l'oreille d'inconnus le rebutait littéralement et je devais me contenter d'attraper au vol des phrases si condensées qu'elles ressemblaient à des onomatopées. Débrouiller l'écheveau me prenait quelques minutes pendant lesquelles je me devais me concentrer absolument ; je dépliais les syllabes une à une, remettais les mots dans l'ordre, les déchevauchant, introduisais un peu de ponctuation, une respiration ; alors je finissais par comprendre ce qu'il avait voulu dire et je l'interrogeais de nouveau. Lui, le front parallèle au sol, plongé dans des pensées mystérieuses, sursautait au son de ma voix. Ses yeux métalliques au-dessus de ses pommettes slaves me traversaient et se perdaient à la surface des flots gris de la Saône. Il me racontait Roland Barthes, Robert Desnos, Georges Perec et Raymond Queneau quand je lui posais des questions personnelles et, devenant lyrique lorsque nous parlions d'écriture, faisais de véritables panégyriques des pizzas que nous mangerions pour fêter la publication de nos premiers romans.

En soirée avec ses amis de lycée, il se métamorphosait. Le taiseux devenait bavard, le timide s'emportait et nous rendait hilares avec des mimes, des blagues et des récits que Don Quichotte ou Ulysse n'auraient pas désavoués. Debout sur une table, une guitare dans les bras, il entonnait des chansons de vendanges interminables dont chaque phrase était bissée et que nous reprenions en chœur. Il avait ôté son parka et son pull mais, malgré la chaleur, ne retroussait pas ses manches. Le tissu grisâtre de sa vieille chemise se moirait de rouge et de jaune dans la lueur des bougies. De la sueur humectait ses paupières, le vin rouge noircissait sa bouche et le débit plus lent de ses paroles se laissait enfin suivre.

C'est peu dire que j'étais perplexe. Si je sentais confusément que cet homme était celui avec qui je voulais rester après des années d'errances amoureuses, je ne savais pas si je devais choisir d'aimer le sage, le fou ou, au contraire, essayer d'assembler, afin de l'embrasser tout à fait, les deux faces qu'il me présentait tour à tour. Dans le doute, je portais mon verre à mes lèvres autant de fois que lui. Jérôme, avec les gestes étriqués de l'homme saoul qui se maîtrise, allait jusqu'à la cave de son père chercher de nouvelles bouteilles que nous vidions d'un trait. A l'aube, il nous proposait une petite poire artisanale qui, souvent, était fatale à l'un d'entre nous. Le jour était levé depuis longtemps lorsque nous réalisions que B., Cathy ou Guilhem n'avait pas passé la nuit dans la chambre transformée en dortoir. Nous trouvions l'absent, pâle, nimbé de la gloire des ivrognes qui ont survécu à une cuite infernale, couché dans un couloir, trempant tout habillé dans un bain froid ou fumant, fiévreux, une cigarette dans le parc étincelant de soleil.

Une fois, je m'étais éveillée la première et ma joue était glacée, mes cils collés, ma nuque raide ; des remugles s'échappaient de la cuvette devant moi ; un filet de bile avait séché sur ma joue et mes habits étaient froissés... Je venais de dormir un temps indéfini avec, pour oreiller, la lunette des WC. Soucieuse que personne ne me découvre dans cette position, je m'étais levée et, titubante, j'avais regagné le salon. Devant les films qu'ils avaient tourné et dont les images tremblotaient sur le poste de télévision, Jérôme et B. ronflaient, chacun dans leur fauteuil. A leurs pieds des bouteilles exhibaient une panse vide, transparente où quelques gouttes sanglantes dégoulinaient infiniment.

C'est à Paris, si je me souviens bien que B. s'est mis à moins bien supporter l'alcool. Julien, Nathalie et moi, finissions le repas du bout des dents, guettant les bruits suspects alors que B. avait disparu depuis plus d'une demi-heure dans les cabinets. Inquiets, nous laissions mourir la conversation qui se bornait à établir le nombre de verres que nous l'avions vu avaler.
"Ce n'est pas tant que ça, pourtant, concluait Nathalie.
- Il est fatigué, en ce moment, disais-je. Ce doit être ça.
- Ou alors ce sont les mélanges, hasardait Julien. Il y a des gens qui ne les supportent pas du tout."
Finalement, j'étais envoyée comme émissaire. Je toquais doucement à la porte des W.C tandis que nos amis augmentaient, par discrétion, le volume de la sono.
"Tout va bien ? demandais-je.
- Oui, oui, me disait B. d'une voix forcée. J'arrive dans cinq minutes !
- Ah, disais-je, presque rassurée. C'est idiot mais nous pensions que tu étais malade.
- Non, non, répondait-il avant que le bruit de ses régurgitations ne l'empêche de poursuivre."

Souvent, la nausée ne prévenait pas. B., volubile, élaborait avec nous des scénarios compliqués que nous tournerions les dimanches d'hiver, il composait des chansons en direct, imitait Jean-Pierre Marielle ou Brigitte Bardot, Fanny Ardant ou Gérard Depardieu, quand, soudain blême après une gorgée de trop, il quittait la pièce. Ses grandes jambes se désarticulaient, heurtaient au passage les meubles répartis dans la pièce, les bibliothèques dans le couloir, la caisse du chat dans les toilettes mais son visage demeurait stoïque, ses cils ne battaient pas, il souriait. Nathalie, Julien et moi, stupéfaits, regardions droit devant, un moment, hésitant à proférer une parole en laquelle le destin pourrait se targuer d'avoir reconnu une prophétie. Timidement, nous reprenions la conversation là où elle s'était arrêtée. Mais sans l'avis de B. les courts-métrages tournaient court et les chansons sonnaient faux. Je finissais par aller frapper à la porte des toilettes...

Un soir B. mit des heures à me répondre. Je revins bredouille dans la cuisine et nous chuchotâmes, cherchant la meilleure façon de venir en aide à B. sans heurter son légendaire sens de l'honneur.
"Nous pourrions déverrouiller la porte avec un tournevis, proposait Nathalie.
- Oh non, ça ne va pas lui plaire, protestais-je.
- Mais il pourrait s'étouffer dans son vomi comme Jim Morrison, disait Nathalie.
- Tu as raison, acquiesçais-je, mais dans ce cas j'y vais seule.
Au lieu d'utiliser le tournevis, je me mis à taper dans la porte de toutes mes forces :
- Allez, ouvre, suppliai-je.
Au bout de quelques minutes, un grognement me répondit.
- Ouvre-moi, répétai-je collée contre le battant.
J'entendis un grand remue-ménage. Au moment où j'allais introduire l'embout du tournevis dans le verrou de la porte, elle s'ouvrit. L'outil pointa sur le nombril de B. mais il ne le remarqua pas.
- Viens te coucher, tu seras mieux, lui dis-je.
- Hum, répondit-il avant de s'écrouler dans mes bras.
Je le portai jusqu'au canapé de Julien et Nathalie où il s'endormit aussitôt. A côté de lui, Nathalie déposa une bassine. Julien, pensif, prit une photo du tableau. Il avait du vomi dans les cheveux et sur un pan de sa chemise...

Illustration : Mark Ryden

La famille vomi (1)

Le fils


Au début des vacances, le jour où je devais partir seule avec lui en TGV, Kéké s'est réveillé gémissant. Trois secondes après, il me vomissait dessus. En une heure, il a vomi une dizaine de fois. En deux, des centaines de fois. Il ne tenait plus debout et blanchissait à vue d'œil. A côté de lui, une bassine sur les genoux, une main dans ses cheveux, l'autre agrippée au téléphone, j'essayais de trouver un médecin qui se déplace, sa pédiatre étant en congé pour la journée. Impossible. Le 15 n'avait plus de médecin disponible dans le secteur. SOS médecins non plus. J'ai finalement appelé mon médecin généraliste qui m'a dit que je pouvais venir avec lui mais que nous devrions sans doute attendre longtemps. J'ai donc porté Kéké qui a vomi sur son manteau, vomi dans sa poussette et nous sommes allés chez le médecin, à dix minutes de la maison.
"Il fait froid, disait Kéké, je veux rentrer à la maison. Je suis fatigué Maman."

Après une heure et demi d'attente, c'est une collègue de ma généraliste qui nous a reçus parce qu'elle a eu pitié du petit garçon qui me demandait sagement de l'emmener au toilettes pour vomir tous les quart d'heures. Quand nous n'avions pas le temps d'arriver jusqu'aux toilettes, je recueillais le chaud liquide dans des feuilles de Sopalin pliées. Puis nous allions nous rasseoir sagement, le petit paquet jeté dans la poubelle et les mains savonnées.

Le médecin n'a pas été rassurant parce que Kéké semblait avoir très mal au ventre. Elle a parlé d'imbrication d'intestins ou d'appendicite. Elle a aussi dit qu'il pouvait s'agir d'une angine mais il n'y en avait pas encore trace dans la gorge. Il fallait que nous revoyions un médecin dans les 24 heures. Elle n'avait pas très envie que nous prenions le train. Perdue, inquiète, j'ai rhabillé mon fils qui s'est mis à vomir alors que j'avais oublié le Sopalin à l'autre bout de la salle d'attente. J'ai tendu les mains sans pouvoir arrêter tout à fait le flot bileux ; des rigoles mousseuses s'épanchaient sur nos chaussures, des morceaux dégouttaient d'entre mes doigts. L'enfant et moi étions immobiles au milieu de la pièce et des quelques patients qui attendaient en lisant des revues. Au bout de quelques minutes l'un deux s'écria, nous faisant sursauter :
"Vous voulez votre Sopalin, Madame ?
- Oui, s'il vous plaît, ai-je répondu"
Et c'est ainsi que nous avons été sauvés cette fois là.

Plus tard, dans l'après-midi Kéké s'est endormi après que je lui aie administré le médicament anti-vomitif prescrit. Il s'est réveillé pris de nausées et il a recommencé à vomir quelques minutes plus tard. J'avais décidé de partir pour Mâcon quand même mais je doutais de plus en plus de ma résolution. Finalement l'arrivée de son père, l'air frais, le métro qu'il adore, lui ont fait du bien. Je me suis aperçue, devant le wagon que nous étions en première classe. J'avais oublié que nous aurions ce privilège. Nous nous sommes installés et Kéké souriait. Son père, sur le quai, faisait le clown et Kéké éclatait de rire. Je me suis carrée dans mon siège et j'ai bu un peu d'eau. Pour la première fois de la journée, je respirais. Le train s'est élancé et mon fils a appuyé sa tête sur moi. Dans sa main il tenait un de ses Cars mais, épuisé, il n'avait pas la force de le faire rouler.

Au bout d'un quart d'heure de trajet, il s'est de nouveau senti mal. Alors qu'il se penchait sur mes mains garnies de Sopalin, j'ai surpris le regard de la femme qui voyageait seule derrière nous. Surprise, elle a haussé un sourcil, pincé les lèvres puis elle a repris sa lecture en voyant que je maitrisais la situation. J'étais fière de mon fils qui ne pleurait pas, ne grognait pas et essayait juste de dormir entre deux salves de vomi. Ma technique de recueillement de son contenu gastrique touchait à la perfection. Pas une goutte ne traversait le papier. Pas un jet ne manquait sa cible. Lorsque les spasmes de Kéké cessaient, je pliais le Sopalin en quatre et le glissais dans un sac en plastique prévu à cet effet. Puis je tapais des SMS affolés à B. : "Appelle le médecin. Ce n'est pas normal ! Il a vomi déjà 5 fois ! ". "Il a encore vomi 10 fois !"

Résultat, à notre arrivée à Mâcon, ma mère nous attendait pour nous emmener directement aux Urgences de Villefranche. Malheureusement, elle n'avait pas de lingettes. Je n'avais pas pu me laver les mains dans le train et elles sentaient mauvais. Malgré tout, désespérée, je me suis rongée les ongles en préparant de nouvelles feuilles de Sopalin pour le voyage. Soudain, alors que je regardais un peu la route, j'ai poussé un cri. Ma mère a pilé et le sanglier qui traversait la route devant nous a rejoint l'autre côté de la route.

Nous sommes arrivés à l'hôpital à 20 heures. Kéké épuisé, le ventre vide, n'avait vomi que 3 ou 4 fois pendant le trajet en voiture. Bien sûr, le service était bondé. Autour de nous des dizaines d'enfants et de nourrissons, pour la plupart, respiraient avec des bruits de forge et toussaient comme s'il n'allaient jamais reprendre leur respiration. Un garçon d'une dizaine d'année touchait du bout des doigts le gros pansement appliqué sur sa joue. Le sang imprégnait la compresse. Kéké avait soif mais il vomissait derechef la moindre gorgée d'eau avalée. J'ai pu passer mes mains sous l'eau mais il n'y avait plus de savon dans le distributeur des toilettes publiques.

Finalement, une infirmière nous a fait entrer dans un box "Je vous prends en priorité car je le trouve très pâle, cet enfant." Pour une fois je n'ai pas protesté en disant qu'il était tout le temps pâle. Alors, elle nous a abandonné une heure de plus. Comme nous étions à côté du bureau d'accueil et dans une salle où était entreposé le matériel médical, nous voyions souvent le médecin - une jeune femme -, les infirmières et puéricultrices passer devant nous, au pas de course, affairés, le regard fixe. Nous avions l'impression d'être devenus invisibles et Kéké commençait à se plaindre, assoiffé, affamé, fatigué. Enfin, on nous a demandé de le déshabiller. La pédiatre allait venir, nous a-t-on dit. Nous nous sommes secoués, pleins d'espoir. Kéké en slip sur le lit médical semblait maigre et vulnérable. Il tremblait de froid. Le médecin n'est venu qu'après une demi-heure d'attente alertée, enfin, par le fait qu'elle le voyais vomir de nouveau. Mieux que le Sopalin, nous avions la joie d'avoir un haricot pour recueillir la gerbe de mon fils. Mes mains, lavés dans le lavabo du box, sentaient le savon.

Sous les néons, dans le lieu surchauffé, les quelques gorgées séchaient avant que d'autres ne viennent les recouvrir et le haricot semblaient toujours propre "J'espère qu'ils vont le laver quand même, ai-je pensé, hagarde." Le médecin a touché le ventre de Kéké qui sursautait, a examiné sa gorge : "il a une angine, a-t-elle annoncé."

J'ai pensé que nous avions enfin trouvé la raison des vomissements mais elle voulait être sûre d'avoir bien cerné le problème. Il a fallu faire un prélèvement de gorge, une radio du ventre, une prise de sang et attendre les divers résultats. A minuit elle nous a tendu une compote et elle a annoncé, souriante. "Il faut qu'il mange cette compote. Une cuillère à café toutes les dix minutes. S'il vomit, on devra le perfuser cette nuit..."
Bêtement j'ai regardé la compote, l'horloge, et j'ai demandé :
"Mais, il y a combien de cuillères à café de compote dans une compote ?
- Je ne sais pas mais il faut qu'il les avale toutes, sans vomir, a-t-elle répété."
Kéké s'est jeté sur la première cuillère comme un affamé et ma gorge s'est serrée.
"Maintenant, lui ai-je dit, il faut attendre un peu avant de manger la suivante.
- A boire, a-t-il répondu.
Je suis allée voir l'infirmière pour savoir si je pouvais, aussi, lui donner un peu d'eau.
- Non, elle a secoué la tête. Il faut d'abord qu'il mange la compote.
- J'ai soif, m'a dit Kéké lorsque je l'ai rejoint.
- L'infirmière a dit que ce n'était pas possible. Oh ! Mais regarde ! C'est l'heure de ta deuxième cuillère de compote !"
Kéké a dévoré la compote puis il s'est mis à pleurer. J'ai donc rempli un bouchon d'eau et je le lui ai donné. Ses lèvres craquelées se sont mises à briller.
"Mais c'est tout, hein, ai-je articulé péniblement.
- Encore Maman ! m'a-t-il supplié"
J'ai cédé. Nous avons eu le droit, peu à peu, d'accélérer le rythme des cuillerées de compote et nous sommes rentrés à 1h30 du matin. Kéké s'est endormi dans mon lit, alors que nous attendions que ma mère revienne de la pharmacie de garde avec les antibiotiques. J'ai dormi contre lui et je me suis réveillée en sentant ses caresses sur mon visage.

Deux jours plus tard, aux informations, j'ai entendu qu'un petit garçon de trois ans, malade d'une angine, était mort à Paris après un changement de perfusion. J'ai pleuré longtemps...

Illustration : The black apple

vendredi 9 janvier 2009

Un dernier pour la route

Jean-Baptiste del Amo, brillant jeune auteur publié en septembre 2008 a bien voulu répondre à un petit questionnaire... C'est mon dernier billet pour l'Express :
http://www.lexpress.fr/culture/livre/jean-baptiste-del-amo-l-ecriture-doit-etre-un-mouvement-egoiste_730560.html

Eddie sentait bon...

Un autre billet est en ligne depuis quelques minutes. Celui-là je l'ai rédigé en direct dans les bureaux de l'Express aujourd'hui. Une journée passionnante dont je vous parlerai plus longuement ce soir...
http://www.lexpress.fr/styles/profession-parfumeur-de-luxe_730546.html

Surviving Elvis

Mon billet sur Elvis est en ligne depuis hier.
Le titre a été changé pour un meilleur référencement. A la base c'était Surviving Elvis.
Je ne l'avais pas vu : http://www.lexpress.fr/culture/musique/elvis-presley-est-mon-pere_729581.html

jeudi 8 janvier 2009

Une Odyssée

En décembre, j'ai été invitée par l'Express.fr à collaborer, en tant que blogueuse au numéro 3001 de l'édition Web. Le projet était de confronter le regard de blogueurs et de journalistes sur des sujets d'actualité et il m'a paru, bien sûr, très excitant et très impressionnant.

Stupéfaite, j'ai bientôt découvert la liste des autres blogueurs conviés et je me suis demandée pourquoi j'avais été choisie : en effet, au milieu des noms habituels, quelques blogueurs spécialisés, certains dans des domaines très pointus, et surtout beaucoup de blogueurs qui analysent l'actualité avec une plume très professionnelle. Que venais-je faire là-dedans avec mes histoires de Kéké, mes chroniques de professeur de chant, mes sombres humeurs ?

A la première conférence de rédaction mes questions n'ont pas obtenu de réponses puisque je n'ai pas osé les poser. Dans une ambiance très sérieuse, quelques blogueurs ont pris le micro pour proposer des traitements de sujets très journalistiques. Pendant ce temps sur un grand écran défilaient "l'actualité froide" du mois de janvier "Oh ! Rentrée littéraire, ai-je vu. Olivier Adam. Anniversaire d'Elvis." Et j'ai commencé à imaginer deux, trois choses que je pourrais faire.

Seulement, j'ai été incapable, par timidité, de saisir le micro pour énoncer mes idées. J'ai attendu la fin de la conférence pour alpaguer deux jeunes femmes, qui s'étaient présentées comme tenant des blogs littéraires puis Eric Mettout, rédacteur en chef, agréable, mais, semble-t-il, moins intéressé par les sujets littéraires. De son côté, Anne-Laure Pham, journaliste responsable de la rubrique Styles, me disait qu'elle avait lu mon blog et qu'elle me voyait bien écrire un article beauté ou mode. Perplexe, j'ai acquiescé.

Pendant les vacances, avec Kéké malade, ma mère ou mes beaux-parents près de nous, j'ai peu travaillé mais j'ai peaufiné mes projets : j'écrirai un billet assez personnel sur Elvis, un billet sur les parfums Le Labo, créés par un de mes élèves, j'essayerai de contacter Olivier Adam et de l'interviewer pour faire un billet à l'occasion de la sortie de son nouveau livre ; je chroniquerai aussi le roman de Georges Flipo qu'il avait eu la gentillesse de me faire parvenir, dédicacé, avant sa sortie en librairie ; et j'espérais pouvoir parler aussi Jean-Baptiste del Amo dont j'avais adoré le roman, paru en aout 2008 en faisant, par exemple, un retour sur sa première rentrée littéraire, son succès immédiat et son roman en cours d'écriture.

J'ai commencé à envoyer des mails, des messages sur facebook et j'ai vite reçu des réponses. Georges Flipo était enthousiaste et très modeste. Jean-Baptiste del Amo, adorable, n'était toutefois pas emballé par l'angle choisi pour parler de lui. Il n'avait pas envie de ressasser le Goncourt qu'il avait été à deux doigts d'avoir, et les autres étapes de son succès. Il ne souhaitait pas, non plus, parler de ce qu'il écrivait en ce moment. Après quelques échanges, il a fini par me dire qu'il ne souhaitait plus collaborer à mon article. Déçue mais têtue, je lui ai écrit une dernière fois. J'ai proposé autre chose et, il y a quelques jours, il a fini par me dire qu'il accepterait de répondre à un petit questionnaire sur sa façon d'écrire. Cela m'a donné des ailes.

Pendant ce temps, malade à mon tour, j'ai fini d'écrire le billet sur Elvis. J'échangeais par mail avec Georges Flipo, sans savoir comment j'allais présenter son livre. J'attendais, en vain, une réponse d'Olivier Adam. J'entamais la lecture de son roman, Des vents contraires, offert par l'Express. J'allais Chez Colette pour qu'Eddie me fasse sentir ses parfums délicieux et m'explique pourquoi il avait décidé de devenir créateur de parfums de luxe.

Ces derniers jours le tempo s'est accéléré. Après une grippe intestinale je me trouve grippée tout court et, fiévreuse, la tête serrée dans un étau, je ne décolle quasiment pas de mon ordinateur...

L'article sur Elvis devrait paraître bientôt. Celui sur Georges Flipo est en ligne. Jean-Baptiste del Amo m'a envoyé ses réponses. Et j'ai rendez-vous chez le médecin. Demain je serai en immersion à l'Express une partie de la journée. Il faut que j'aie bouclé les 3 autres billets d'ici là...

Vous trouverez tous les autres articles de blogueurs invités .

Bonne lecture !